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France, Europe : la globalisation et la diversité
mercredi 1er mai 2024
France, Europe :
la globalisation et la diversité
Philippe Reig
Secrétaire territorial pour la France
Le théologien et exégète biblique luthérien Oscar Cullmann, né en 1902 et mort en 1999 a publié un ouvrage en 1986 qui s’intitule L’unité par la diversité. Dans cet ouvrage, l’auteur développe une conception originale de l’unité de l’Église. En effet, il défendait l’idée d’une unité par la diversité et soutenait l’établissement d’une communauté d’Églises qui tireraient un enseignement de leurs différences doctrinales. Mes amis, que de regrets pouvons-nous avoir puisqu’Oscar Cullmann n’a pas été un ministre français, pour ce qui nous concerne. Parce que, admettons-le, profitez des différences, donc de la diversité pour créer l’unité, quelle belle idée fédératrice ! Imaginons ce concept appliqué à nos langues régionales en général et à la langue d’oc en particulier. Au risque de paraître égoïstes, nous imaginons bien ce que nous pourrions bâtir nous aussi. Mais encore une fois, nous avons toujours été poussés à stigmatiser les quelques petites différences qui nous séparent, quand tant de nombreuses et grandes choses nous unissent.
Pour rester dans le domaine des langues, j’ignore comment cela se passe dans d’autres pays européens, mais en France, nous sommes admiratifs devant une personne qui parle deux langues, voire plus. Cependant, chez nous, cette admiration fond comme neige au soleil, si l’une de ces langues est le breton, l’alsacien ou la langue d’oc. Alors on ne peut pas dire que la diversité soit la bienvenue en France.
Cependant, on ne peut pas nier qu’à un moment donné de notre histoire la nécessité de l’unité linguistique se soit imposée dans le pays de France, ne serait-ce que pour une question de sécurité républicaine. L’histoire nous a appris le désarroi des soldats du Midi, ceux du XVe Corps, que l’on a envoyé se battre en 1914 et qui ne comprenaient pas les ordres qu’on leur donnait. Soit. Pourtant, tous ces hommes, se comprenaient entre eux. Ils étaient reliés par une langue qu’ils s’étaient appropriée et qui leur permettait de communiquer. On ne peut pas nier la nécessité de l’unité pour la langue. Mais fallait-il pour autant que l’on sacrifie les langues régionales ? Ne pouvaient-elles pas cohabiter avec la langue de la République ? L’unité, la langue du roi, d’abord petite sœur de la diversité, la langue d’oc dans ses variantes, c’était vrai au début. Puis la petite sœur a grandi avec en tête des idées hégémoniques, un état d’esprit dominateur. Tant et si bien, que la politique du « je ne veux voir qu’une seule tête », la globalisation s’est imposée à son tour. Dès lors, l’identité, notre identité fut atteinte. Oh ! la langue du pays est le français. Bien sûr ! Je pense que nous sommes tous d’accord sur ce point. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut, pour autant, que nous soyons obligés de renoncer à ce que nous voulons être. La langue française nous unit, pourquoi la diversité des langues régionales devrait-elle nous séparer ? Unité et diversité semblent incompatibles.
Au niveau de l’Europe, je crois me rappeler que « l’Unité dans la diversité », est le slogan actuel de l’Union européenne, qui vise à défendre les valeurs communes telles que la liberté, la paix et la solidarité dans une union faite de diverses cultures et dans diverses langues. Et dans diverses langues. Mais les lois qui régissent les pays sont les mêmes qui régissent les parties d’un pays. J’irais jusqu’à dire que le cas de la langue d’oc est le même que celui de l’Europe. Ce n’est qu’une question d’homothétie. La situation que nous connaissons pour nos langues régionales montre que l’Europe n’est peut-être pas à la hauteur des défis qu’elle s’impose. Combien j’aimerais avoir tort ! Mais que pèse nos langues régionales dans les questions qui préoccupent les élus européens ? Que pèse l’avenir de notre provençal face à la pénurie de moutarde en France ? Et c’est peut-être aussi vrai dans d’autres pays… Comment admettre que nous devons patienter encore et encore. Que vaut la patience face à la mauvaise foi ? La diversité linguistique que nous défendons met-elle en péril l’unité européenne ? Ah ! décidemment, unité et diversité ne font pas bon ménage. Mais n’est-ce pas l’unité qui engendra la diversité des langues régionales ? Toutes les langues romanes ont tété à la même louve romaine : le latin populaire. Cette diversité linguistique est née ex nihilo, naturellement. Le grand linguiste Ferdinand de Saussure disait ; « pour naître, une langue n’a pas besoin d’acte de naissance ». La preuve, elles sont bien nées nos langues régionales. Et interdire ou empêcher la pratique d’une langue ne suffit pas pour la tuer. La preuve, nos langues régionales ne sont pas encore mortes. Alors, quoi ? L’unité qui engendre la diversité serait donc toxique. Mais en quoi ? Car dans les silences et les refus qu’on nous oppose, quels sont les arguments ? On nous ressasse à l’envi que la première chose à faire, au niveau de l’Europe c’est mettre en évidence un faisceau de preuves qu’on fait mieux ensemble que séparément. Ce n’est pas de l’imaginaire, c’est même du bon sens ! Le cœur de la construction européenne, c’est que nous ferons mieux ensemble que séparément. Mais être ensemble, cela ne nous oblige pas à être tous des clones les uns des autres. Cela interdit-il la diversité ? J’avoue ne pas comprendre cet acharnement à ne pas satisfaire les demandes des défenseurs des langues régionales. Que propose l’Europe en termes de protection et de promotion de la diversité linguistique, quel que soit le pays ? J’ai entendu ou lu qu’au cours des 15 ou 20 dernières années, la tendance voulait reconnaître les langues régionales minoritaires. Tous les pays impliqués dans le projet ont mis en œuvre des politiques pour la protection de ces langues. Ah bon ! pour quels effets, pour quel résultat ? Pourtant, chers amis, la volonté est la clé, la solution à notre problème. Oui, les langues régionales bénéficient de la même aide que celle que la corde octroie au pendu.
En 2012, j’avais lu dans la revue Diogène un article de Nicole Albert, je crois me souvenir. Il y était dit qu’il est communément admis que nous vivons dans un monde de plus en plus globalisé. On pense à l’unité. Mais cela veut-il dire que plus le temps passe, plus nous nous ressemblons ? Assurément, non. Mais cela peut vouloir dire que nos problématiques se ressemblent, se recentrent, se resserrent. Qu’à cela ne tienne. Un seul remède aurait le pouvoir de soigner plusieurs malades. Il y a bien une problématique qui nous est commune, non ? Nous souffrons tous ensemble du même mal ? Il en faudrait si peu pour nous apporter la solution. Pour peu qu’on le veuille. Mais il semble que quelque chose manque. En effet, imaginez un député européen ou une députée européenne qui aurait à décider de l’avenir des langues régionales. Pour prendre sa décision, il lui faut trois choses ; le savoir, le pouvoir et le vouloir. Le savoir, c’est sa connaissance du sujet. Sa genèse, son histoire dans le temps, son intérêt, les termes de la demande et bien sûr les conséquences en cas de décision positive. Mais un savoir, ça s’acquiert. Donc, voilà pour le savoir. Le pouvoir, lui, est donné aux députés par les textes et les possibilités qu’il y a de les adapter aux nécessités. D’accord pour le savoir et pour le pouvoir. La troisième chose, c’est la volonté, de décider. Et c’est là que le bât blesse. Où est la volonté de faire l’unité autour de la diversité des langues régionales ? Car la volonté ça ne s’apprend pas dans les écoles et dans les grandes écoles on y apprend la volonté… de nuire. Je vous le dis encore une fois, Unité et diversité sont incompatibles.
Mais alors, pourquoi labourer le sillon de la diversité ? Car notre société est diverse. Espère-t-on faire l’unité à partir de cette diversité ? Dans l’état actuel des choses, cela semble peu envisageable. Alors pour pallier le problème, pour ne pas briser l’espoir d’unité à partir de la diversité, et bien on va enseigner aux jeunes écoliers la langue de leur pays. Souvent, il ne s’agit pas de pays inclus dans l’Europe. Mais si l’on se réfère à un certain Robert Lafont et à ce qu’il a déclaré en 1993, je le cite ;
« Une langue est avant tout une énonciation du monde. Par elle, une communauté s’empare de son environnement. L’éducation linguistique de l’enfant est toujours unificatrice ? Est toujours unificatrice : il apprend à nommer et se rend maître des horizons ». Alors, qu’attend-on pour favoriser l’enseignement de nos langues ? Dans quelle situation ubuesque sommes-nous ? Nous avons un problème, nous avons des solutions et, semble-t-il des volontés et nous stagnons. Le verbe stagner est un doux euphémisme si l’on considère le cas de la Charte des langues européennes et minoritaires et je n’en dirai pas plus sur ce sujet. La diversité attend le bon vouloir de l’unité. Que cette unité se fasse en faveur de nos langues. Gageons que les élèves bilingues assimileront mieux le français que les autres. J’en suis convaincu. Le premier livre que j’ai acheté quand j’ai repris le chemin de l’université il y a neuf ans, c’est le Bescherelle des conjugaisons françaises. Et bien que je ne fusse pas totalement ignorant sur la question de notre subjonctif imparfait, j’ai largement puisé dans le Bescherelle.
Il faut se rendre à l’évidence : avec la mondialisation galopante, les connections à l’échelle mondiale s’intensifient et il y a de plus en plus d’identités locales et particulières qui se font jour. Le paradoxe est que face à une telle situation les replis identitaires se multiplient.
Autrement dit, le multiculturalisme pose la communauté nationale comme le domaine universel dans lequel chacune des communautés ethniques particulières (les minorités et la majorité) trouve sa place légitime. C’est « l’unité dans la diversité ». Pourtant cette image de l’État-nation est trop policée et bien trop éloignée des réalités plus liquides et plus troubles des sociétés multiculturelles réelles.
Les différentes déclinaisons de la notion d’« unité dans la diversité » comportent un problème majeur dans la mesure où elles impliquent souvent une conception statique des groupes de locuteurs, comme si ces derniers étaient des entités délimitées et dotées d’une cohérence interne. Eh oui, nous sommes loin de la Capitale.
Alors, peut-être est-il temps d’envisager une autre approche. Si l’on reste dans un cadre européen faut-il mettre en évidence le constat d’un manque de définition ou de politique globale de l’Union Européenne ? À moins qu’il ne faille songer à une autre disposition qui consisterait à favoriser l’autonomie régionale. Il est très dommage de voir l’agitation positive au niveau de nos régions, du dynamisme des locuteurs des différentes langues ou parlers, du travail fourni par les associations, les centaines, voire les milliers d’adultes qui ont la volonté d’apprendre leur langue mère, la volonté des personnels enseignants dans les établissements scolaires publics et privés et de constater, dans le même temps, le peu d’encouragement officiel des décideurs qui s’abritent derrière des motifs qui ne sont que des moyens de ne pas dire oui sans avoir à dire non et qui réfléchissent aux moyens d’accentuer le désamour des étudiants pour leur langue mère.
Nous le disons haut et fort : la diversité des langues régionales, sous la forme d’un enseignement immersif est sans préjudice à une bonne connaissance de la langue française et à son unité. Et redisons-le, l’énergie culturelle des minorités et de leurs langues aidera à construire une Union plus solide une unité inébranlable au cœur de la diversité historique.
La France dans l’unité complice de la diversité des langues peut devenir dès demain une ré-a-li-té. Pour peu que celles et ceux qui décident le veuillent fermement, sans hypocrisie.
Alors oui pour la biodiversité linguistique. Langue unique = langue inique. Oui à la devise : liberté – égalité – diversité ! Vive la France et langue vie notre belle et rebelle langue d’oc ainsi qu’à toutes les langues régionales européennes.